La vie est faite de tragédies.
D’innombrables tragédies occuperont la scène de notre vie.
On peut être amené à ignorer complètement leur existence, vivre le mal sans jamais en voir sa cause, la tragédie vécue et non reconnue.
On peut être amené à la voir et à refuser de voir qu’il s’agit d’une tragédie.
Qu’il y a nous la victime, le malfaiteur et absolument rien d’autre.
Mais c’est passer à côté du fait que la tragédie consiste en ce que la relation n’a pas pu être autrement et que le mal s’y est installé, installé tellement fortement que même le bon a dû être rejeté.
Les tragédies font partie du souffle de la vie. Accidents volontaires ou non, le tragique est partout autour de nous.

Mais il est aussi nécessaire car sans tragédies les liens auparavant noués ne pourraient être défaits.
Et de nombreux liens sont si forts que ce n’est que par les tragédies qu’ils peuvent être séparés.
Et ce qui fait qu’il s’agit aussi d’une tragédie est l’existence d’un lien fort dont on se voit contre son gré séparé.
Les tragédies font partie de la vie. C’est sa manière à elle de nous dire que telle relation suffit, que c’est ailleurs que nous attend notre vie.
Être attaché procure une sensation de sécurité tellement forte que ce n’est que par la tragédie qu’on arrive à s’en séparer.

On peut alors souvent avoir vécu longtemps en totale ignorance de tragédies nous ayant marqué, que nous étions seul dans ce qui nous arrivait.
Et puis aussi se rendre compte que l’autre aussi a joué un rôle et qu’il nous a fait durement baver.
Lui en vouloir, le voir comme le total responsable de ce qui est arrivé, ne laissant aucune place au destin de s’immiscer.
Mais la réalité est que là aussi tragédie il y avait.
Ce qu’il y a de vivifiant dans l’idée de la tragédie est qu’il y a souffrance, qu’on ne retire pas les responsabilités de chacun, que de l’horrible s’est passé et qu’il n’a pu être empêché.

On reconnaît à la fois la souffrance et l’impuissance qui constitue la vie de chaque humain dans des variantes différentes.

C’est malheureux, oui. Il y a eu des acteurs dans ces événements, oui. On a énormément souffert, oui. On n’a rien pu faire pour l’empêcher, oui. On a aimé, oui. Cela fait partie de la vie, oui.

Car la vie est mouvante et c’est parfois par les tragédies qu’est obtenue cette mobilité.
Si la tragédie ne survenait pas alors ça serait la vie elle-même qui serait sacrifiée, et ça c’est quelque chose qui ne peut être désiré, quand bien même des tragédies renferment d’immenses difficultés.

Alors je dis oui aux tragédies que j’ai rencontrées dans ma vie. Je laisse la vie me rencontrer même par des chemins auparavant haïs ou maudits.

A partir du moment où on reconnaît l’existence des tragédies, de leur côté inévitable et nécessaire au bon fonctionnement de la vie, une paix tranquille se met à nous habiter.
Qu’en dépit de toutes les tragédies, viendra un moment où tout ira bien.
Que je ne sais pas encore combien j’en rencontrerais, ce que je pourrais perdre ou si j’y survivrai, mais que tant que je souhaite être vivant j’accepte que les vents de la vie m’amènent aussi des tragédies.
Et la bonne nouvelle est que ce qui n’est pas tragédie est alors potentiel créateur riche de vie. Et comme tout est éphémère il y en a encore d’innombrables qui attendent ma vie, chacun avec leur propre durée de vie.
Alors, quand je ne vis pas de tragédies la chose naturelle à dire est merci. Non pas merci de ne pas me faire vivre une tragédie, mais merci qu’elle est belle la vie, même avec ses tragédies.

Les tragédies de la vie, 07/12/23